Le gouvernement, dans le cadre du large projet de loi consommation défendu par Benoit HAMON, souhaitait mettre en place des mesures pour lutter plus efficacement contre le surendettement et contre la situation de quasi-monopole bancaire. Malheureusement le Conseil Constitutionnel a censuré une partie de cette loi : pourquoi ?
Le fichier positif, c’est quoi ?
Le Registre national des crédits aux particuliers, appelé plus communément « fichier positif » était un dossier qui devait recenser tous les crédits à la consommation accordés à des personnes physiques.
A quoi sert-il ?
La création d’un tel fichier visait à lutter contre le surendettement en rendant disponible aux banques et établissements de crédits un large panel d’informations personnelles (salaire, revenus, dépenses, crédit…) sur les emprunteurs français.
En Europe, le fichier positif existe déjà en Belgique depuis 2003, en Allemagne, en Italie et en Espagne. En Belgique, il semble avoir porté ses fruits puisque le nombre de surendettés a baissé de près d’un quart entre 2002 et 2008. En 2011, elle comptait 319 092 emprunteurs défaillants (11 millions de contrats gérés) contre 780 000 en France.
Qui est contre ?
Sur ce dossier, les avis des associations d’emprunteurs, des établissements de crédits ou encore des parlementaires diffèrent grandement.
D’un côté, Crésus, Chambre Régionale du Surendettement Local, et certaines banques (La Banque Postale, Cofinoga) sont pour. Elles soulignent qu’il améliorera l’accès au crédit et la maitrise du surendettement. De l’autre, la majorité des banques (BNP, Cetelem), UFC-Que Choisir, les parlementaires UMP sont contre. Ils évoquent le non-respect de la vie privée, soulèvent les risques liés au contrôle des données et à leur utilisation ainsi que le coût de ce dispositif.
Benoit HAMON soutenait fermement ce dispositif comme étant un bon moyen de lutter contre le surendettement en amont. Pourtant, ses détracteurs avancent que l’abus de crédit n’est la cause du surendettement que dans 13% des cas. Le plus souvent, il est le résultat d’accidents de la vie (accidents, chômage, maladie) contre lesquels le fichier positif ne pourra rien.
Pourquoi le conseil constitutionnel l’a censuré ?
Jeudi 13 Mars, le conseil constitutionnel qui avait été saisi par les députés UMP a censuré le « fichier positif ». Ce dernier a considéré qu’il portait atteinte aux libertés individuelles et au droit au respect de la vie privée. Il aurait en effet donné à tous les établissements de crédits accès aux données personnelles de plus de 12 millions de français, un dispositif surdimensionné relativement au nombre de surendettement selon l’institution. L’argument du coût important du dispositif (entre 15 et 20 millions d’euros) par rapport à la plus-value en termes d’intérêt général a également été avancé.
Quelles conséquences pour les banques ?
Le « fichier positif » aurait permis aux banques et organismes de crédits de connaître la situation financière exacte (nombre de crédits en cours) du demandeur de crédit et ainsi d’éviter d’accorder « le crédit de trop » à des individus déjà fragiles et qui multiplient les emprunts.
Aujourd’hui, les marges de manœuvre pour identifier les prospects surendettés sont limitées (fichage FICP, documents transmis par les prospects). Avoir des garanties sur le profil du prêteur aurait permis de faciliter l’octroi de crédits à une plus grande part de la population en donnant l’assurance aux banques qu’il sera possible à l’emprunteur de rembourser ses crédits.
Ainsi, cette mesure visait à « protéger les consommateurs d’eux-mêmes » en donnant aux banques la possibilité de limiter les risques de surendettement. Cependant, depuis l’annonce de la censure de cette mesure, le Gouvernement n’a pas réagi. Le mystère reste donc complet sur les moyens engagés pour lutter contre le surendettement des ménages français.